Au moment où j’écris ces lignes, cela fait presque exactement dix ans que j’ai fait mon premier voyage à vélo avec un peu plus qu’une tente et un sac de couchage. Depuis, le camping à vélo est devenu plus connu sous le nom de bike-packing, mais entre vous et moi, quelle différence ? Cet article traite de voyages à vélo consécutifs au cours de la dernière décennie avec deux amis et de la préparation nécessaire. Les expériences dont je vais vous parler ont toutes été des points de repère pour moi, et grâce à elles, j’ai pu définir une sorte de philosophie : ma » meilleure approche » du cyclotourisme. J’ai toujours été intéressé par les manifestes et si j’avais retenu une chose des scouts, c’était leur devise : « Soyez préparés ». Cependant, je n’ai jamais été scout moi-même et lors de ma première excursion en camping sur deux roues, j’étais tout sauf préparé.

C’était en août 2011 et mon ami Matt Downing avait déjà trouvé son équilibre en cyclotourisme, à la fois sur et hors de son monocycle. Oui, il roulait sur un monocycle ! Il avait déjà traversé presque toute la France lorsque je l’ai rencontré à Perpignan.
Matt vivait avec son sac à dos depuis plus d’un mois et j’avais prévu de faire de même pour une rapide excursion estivale. Nous pensions qu’il nous faudrait environ deux semaines pour atteindre Barcelone. J’avais une tente acheté pas cher et quelques vêtements de rechange dans un sac à dos. Quant à ma bicyclette, je l’avais empruntée à mon ami Albert, qui l’avait conduite depuis Barcelone. Le vélo était un « Peugeot – Tim Gauld – Mountain Bike ». En le sortant de la voiture, j’ai remarqué que les deux pneus étaient à plat. Albert et moi les avons gonflés et il a pris soin de me montrer comment la pompe se fixait au cadre, et s’est assuré que je prenais son kit de réparation de crevaison. C’étaient des précautions raisonnables que j’avais négligées, pensais-je naïvement. Avec la fougue de la jeunesse, je n’avais pas vraiment pensé à mon kit. Si je l’avais fait, j’aurais peut-être réalisé que j’étais excessivement mal préparé pour traverser une grande partie de l’Espagne dans la chaleur du mois d’août.

Il s’est avéré que le vélo d’Albert était une sorte de cadeau empoisonné qui allait faire déraper notre voyage dès le début. Le vélo n’arrêtait pas de crever et bien que nous le réparions, rien ne durait très longtemps. Nous nous sommes retrouvés à pousser nos vélos dans la nuit pendant des kilomètres et des kilomètres et à dormir sur le sol pour être réveillés, paniqués, par le jet d’eau froide d’arroseurs automatique. Nous pensions avoir réglé le problème pour de bon quand nous avons réalisé que c’était la roue elle-même qui perforait les chambres à air. Le bord de l’éntrée de la valve était coupable et nous avons réussi à le limer avec l’aide d’un local passionné de vélo. Nous avons finalement réussi à rouler un peu et même à traverser la frontière montagneuse entre la France et l’Espagne lors d’une tempête.

Après avoir traversé la frontière, nous sommes passés par Figueres et avons atteint Bàscara. Nous parcourions enfin de vraies distances, naviguions dans le pays avec une carte en papier, et appréciions enfin le cyclotourisme pour la première fois. J’ai même réussi à passer une bonne nuit de sommeil dans ma tente mal conçue, malgré les centaines d’escargots qui la recouvraient. Nous sommes arrivés à Gérone dans la chaleur de midi et nous avons cherché pendant des heures un endroit où trouver une boisson fraîche et quelque chose à manger. Pas facile en arrivent un dimanche dans un pays catholique, où l’on fait en plus la sieste ! Enfin, après une longue journée en selle, nous atteignons Malgrat-de-Mar. Il est 3 heures du matin. Ne voyant pas la route devant nous, nous avons du pousser nos vélos dans le noir pendant des heures. Aucun de nous n’était équipé de lampes, mais nous voulions absolument atteindre la plage avant le lever du soleil.

Un peu plus loin sur la côte, les crevaisons ont recommencé. Cette fois-ci nous avons abandonné, bu une bouteille d’alcool douteux à l’anis, nous nous sommes endormis sur un terrain de pétanque et avons finalement pris le train jusqu’à Barcelone. Lorsqu’on l’a interrogé sur le vélo maudit qu’il m’avait prêté, Albert a répondu « Buaaaa, buaaaa… ne pleure pas… la souffrance c’est marrant » – une phrase qui résumera pour moi ce genre de mini aventure pour les années futures.
– Préparation 0 / 5
– Fun 4 / 5
– Fun a posteriori 5 / 5
Malgré les mésaventures répétées, ce voyage m’avait donné le goût de l’inconnu sur la route. Le voyage suivant, je l’ai fait avec Tyze Whorton, un autre ami différent mais une configuration similaire. Après l’expérience catastrophique précédente, j’avais acheté une tente de meilleure qualité pour qu’elle ne s’affaisse pas toutes les deux heures. Cependant, ma sélection de vélos était toujours aussi nulle et hasardeuse. Nous decidions de nous retrouver à Bordeaux et de descendre la côte vers l’Espagne, un itinéraire similaire à mon premier voyage, mais sur la côte atlantique plutôt que la Méditerranée. Tyze a pris l’avion avec son vélo de route récemment acheté, alors que de mon côté il fallait que je trouve un vélo à acheter en une journée à Bordeaux.

Au marché aux puces de Saint Michel, j’ai acheté le vélo le moins cher et nous sommes partis un peu plus tard dans la journée. Notre plan était d’atteindre la plage avant la tombée de la nuit mais cela nous a pris plus de temps que prévu. Après un arrêt pizza à Saint-Hélène, nous avons décidons de quitter la piste cyclable et de prendre la route plus directe car la nuit commençait à tomber. Ma selle était une de ces selles à ressorts et était horriblement inconfortable. C’était comme si j’étais assis directement sur les deux ressorts et ce n’était pas très élastique. J’ai roulé en danseuse sur la route plate. Lorsque nous avons passé le panneau indiquant Lacanau, nous avons immédiatement cherché un endroit pour planter nos tentes et nous avons trouvé un rond-point avec quelques arbres. Nous n’avions qu’une seule torche pour nous deux et après avoir monté nos tentes, nous avons réalisé que nous étions couverts de fourmis jusqu’aux genoux !

Le matin après une nuit de sommeil difficile (même rond-point, autre emplacement), j’ai acheté un couvre-selle en mousse et le voyage a s’améliorer. Nous avons surtout dormi dans des campings et sommes allés surfer et se baigner. Puis nous nous sommes trompé de chemin plusieurs fois, car sans cartes nous pouvions nous repérer seulement grâce aux panneaux. Nous n’avions pas planifié la route avant de partir, mais nous voulions aller en direction du sud en suivant la côte. Heureusement il y avait une piste cyclable qui descendait presque tout droit dans la direction où nous allions ! Si cela n’avait pas été le cas, la navigation aurait pu être un peu plus difficile.

Lorsque nous sommes arrivés à Biarritz, nous avons regardé les collines qui nous attendaient. Connaissant un peu mieux nos vélos, nous avons réalisé qu’ils n’étaient pas faits pour cela. Nous les avons vendus comme des vendeurs ambulants sur le front de mer de Biarritz et j’ai traversé la frontière France-Espagne, cette fois-ci en train.
– Préparation 1 / 5
– Fun 5 / 5
– Fun a posteriori 4 / 5
C’est après ce voyage que j’ai réalisé que les moments dont je me souvenais le mieux, ceux qui me faisaient rire, étaient ceux qui, à l’époque, étaient les pires. J’ai récemment appris l’existence d’un concept connu sous le nom en anglais de « second degree fun », et c’est plus ou moins cela : on n’apprécie pas la chose lorsqu’elle se produit mais on l’apprécie en y repensant. Fun a posteriori. Une autre façon de dire la fameuse phrase d’Albert : « La souffrance c’est marrant .» J’ai également remarqué que lorsque je racontais mon voyage à d’autres personnes, je ne leur parlais pas des bons moments. Personne ne veut entendre que vous avez bronzé sur des plages d’or blanc et plongé dans des vagues d’un bleu vif, mais racontez-leur plutôt que vous étiez couvert de fourmis dans le noir, épuisé avec l’arrière-train engourdi, et ils souriront probablement et vous raconteront une histoire où quelque chose de semblable leur est arrivé.
Le voyage suivant que j’ai fait avec Tyze n’était pas en vélo mais en rafting. Je veux quand même l’inclure dans ce blog car je pense qu’il est pertinent pour le sujet de la préparation avant voyage. Nous étions aussi mal préparés et mal équipés pour le pack-rafting que nous l’avions été il y a quelques années pour le bike-packing.

Nous sommes partis de Saint-Jean-Pied-de-Port avec l’intention de descendre à la pagaie jusqu’aux Fêtes de Bayonne. Quelques minutes après le départ, nous avons atteint un barrage et avons dû décharger nos bagages soigneusement emballés, traîner notre kayak et le recharger délicatement avant de tourner en rond. L’eau est vite devenue trop peu profonde et nous avons dû marcher pour donner à notre embarcation assez de flottabilité pour flotter sur le fond caillouteux de la rivière. Puis nous nous sommes lancés dans des rapides agités, parsemés de déchets de construction : tuyaux en plastique, blocs de béton et tiges métalliques. Nos bagages sont passés par-dessus bord et même si nous les avions emballés dans des sacs poubelles l’eau a pénétré. À un moment donné, une tige métallique a transpercé notre embarcation gonflée, manquant la jambe de Tyze de quelques centimètres. Lorsque nous avons réussi à passer, nous nous sommes sentis exaltés et soulagés, mais la journée n’était pas terminée et nous avons dû mobiliser toute notre d’énergie pour traverser des rochers et passer par des ravins semblables aux murs des prisons. Nous n’avions pas de téléphone portable et nous étions loin de toute civilisation ou aide. Tout était mouillé, même nos sandwichs.

Nous avons fait du camping comme ça au bord de la rivière. Le lendemain, nous avons fait de l’auto-stop en aval de la rivière, nous avons rafistolé notre bateau et campé dans un champ rempli d’énormes chevaux. Nous avons ensuite continué et fait des progrès, nous nous sentions bien lorsque nous nous sommes arrêtés dans un ranch-restaurant au bord de la rivière pour déjeuner. Nous étions loin de nous douter que la rivière avait subi une marée et que de l’eau brune déferlait dans les terres. Notre kayak et tous nos biens ont été emportés loin de la rive. S’ils n’avaient pas été retenus par une branche d’arbre, nous aurions du marcher longtemps jusqu’à Bayonne ! Après avoir attendu la descente de la marée sur une jetée, en regardant les déchets s’écouler (en amont des festivités), nous avons finalement ramé vers la ville, admirent des femmes qui nous saluaient et des hommes sur les ponts, qui pissaient dans la rivière.
Notre voyage était une catastrophe dès le départ, en ce sens, il ressemblait plus à mon premier voyage du vélo avec Matt qu’au voyage précédent le long de la côte atlantique avec Tyze. La différence est que cette fois-ci, bien que j’aie beaucoup de souvenirs très drôles, il y a eu des moments où, en y repensant, je me suis rendu compte du danger que nous avions couru et je n’aime pas vraiment m’en souvenir sachant à quel point nous étions passés près du désastre : une blessure grave ou pire.
– Préparation 0 / 5
– Fun 3 / 5
– Fun a posteriori 3 / 5

Le voyage à vélo suivant que j’ai fait avec Tyze a été beaucoup plus réussi et s’est déroulé presque entièrement comme prévu. À cette période, j’avais déjà commencé Musette Bicycles and Coffee, donc j’avais plus d’expérience en mécanique vélo et le vélo que j’avais était bien meilleur que celui que j’avais utilisé lors de notre dernier voyage ! Mais il s’agissait toujours d’un vélo de ville (un Genesis Brixton) et il n’était pas complètement adapté à la randonnée.



Cette fois-ci, nous utilisions des cartes GPS sur nos téléphones, ce qui signifie qu’il était donc plus difficile de se perdre et que nous avons pu trouver de plus petites routes et des chemins pour suivre notre itinéraire. Le seul problème est survenu lorsque nous étions sur une piste de gravier dans une haute plaine, loin des magasins et des maisons, et que j’ai eu une grosse fringale. Je n’ai pas pu continuer avant d’avoir mangé du sucre. Je me suis soudainement senti faible, tremblant et affamé. Heureusement, j’avais des cerises avec moi et après les avoir toutes mangées, nous avons pu continuer notre route assez longtemps pour trouver ce qui ressemblait vaguement à un dîner et un endroit où camper pour la nuit. Depuis, j’emporte toujours un sachet de Haribo d’urgence avec moi lors de mes randonnées à vélo. Comme un conducteur de camion longue distance qui aurait un jerrican de rechange d’essence !

J’ai appris ma leçon. Je pense que c’est un point positif du camping à vélo comme loisir : vous comprenez ce qui vous convient, et en tirant les leçons des erreurs passées, vous vous améliorez à chaque fois et vous sentez finalement plus confiant à aller plus loin.
– Préparation 3 / 5
– Fun 4 / 5
– Fun a posteriori 3 / 5
À cette période je commençais à travailler pour des sociétés de cyclotourisme qui proposent des vacances à vélo organisées. Ces circuits étaient aux antipodes de ce que j’avais connu. Des vélos haut de gamme, des réservations dans des hôtels 5 étoiles, des transferts de bagages d’un hôtel à l’autre chaque jour, des parcours GPS pré-planifiés suivant des routes bien fréquentées et des services d’assistance disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Je n’ai pas pu m’empêcher de rire lorsque la société a décrit ces vacances comme une aventure. Je suppose que chacun a une idée différente de ce qu’est une aventure !


Le voyage à vélo suivant que j’ai fait avec Matt était l’occasion d’utiliser un vélo ncore amelioré. Je m’étais monté sur-mesure un Brother Cycles Kepler. Après tant d’années, j’avais enfin un vrai vélo de randonnée ! J’ai également monté un vélo pour Matt en utilisant un VTT Specialized des années 90 avec un cadre en acier et en le modifiant avec un guidon de route, des manettes à friction, un porte-bagages et des pneus anti-crevaison. Nous voulions retraverser les Pyrénées et cette fois, nous voulions le faire bien. Nous avions tous les deux des sacoches Ortlieb entièrement étanches. Nous avions également des tentes légères et de bonne qualité. Nous avions des smartphones avec des traces GPS modifiables. Nous avions des couteaux, des fournitures, des chambres à air, des lampes frontales et des imperméables. Nous étions prêts.

Lorsque nous avons traversé le Pays Basque, le parcours était difficile mais rien n’a mal tourné. Quand le brouillard s’est installé, nous avons frappé à la porte d’une ferme pour demander si nous pouvions camper dans leur champ. Nous suivions plus ou moins le chemin de pèlerinage de Saint Jaques de Compostelle. Après une nuit à Valcarlos, nous avons gravi le col d’Ibañeta et avons travers la frontière entre la France à l’Espagne par le col de Roncevaux. Le soleil tapait de l’autre côté de la chaîne de montagnes, mais le paysage était magnifique et les sentiers hors-piste étaient bien différents de la route N11 de notre premier voyage, avec ses poids lourds et ses maisons-closes. Cette fois, nous avons parcouru des centaines de kilomètres à vélo et n’avons pas eu une seule crevaison !






Nous avons passé la dernière nuit du voyage à Leitza : un village rural idyllique entouré de forêts. Nous avons campé dans une prairie, encouragés par des habitants sympathiques et un poney curieux. Il était difficile à croire qu’il n’y avait pas eu un seul incident. Cela semblait étrange. Nous étions même arrivés à notre destination plus tôt que prévu. Est-ce vraimeent bien cela de faire du campin à vélo ? Ensuite Matt a pris un ferry pour rentrer en Angleterre, puis il a remonté jusqu’à l’Écosse en vélo sans aucun problème.
– Préparation 4 / 5
– Fun 5 / 5
– Fun a posteriori 2 / 5
Lorsque je suis rentré chez moi un jour plus tôt que prévu, je n’ai pas pu m’empêcher de me sentir un peu déçu que tout se soit si bien passé. Il n’y avait rien d’extraordinaire à raconter aux gens. C’était génial, mais à quel prix ? Avais-je perdu une partie de la magie ? Avais-je soudainement vieilli ? La prochaine étape consisterait-elle à commencer à payer pour des « aventures » de luxe organisées avec transfert des bagages inclus ? En même temps, on ne peut pas vraiment désirer que les choses se passent mal. C’était un sentiment étrange. J’ai réfléchi à la notion de confort et d’inconfort. La frontière entre les deux est différente pour chacun. Lorsque vous faites du camping à vélo, une partie du challenge consiste à trouver le bon équilibre qui vous convient entre les deux. Lorsque vous êtes trop à l’aise sur une chose que vous connaissez et maîtrisez, vous devez vous pousser à faire quelque chose de plus dur, de plus difficile à chaque fois.




Le printemps 2021 et les voyages en vélo sont plus que jamais synonymes de liberté. Tyze et moi avons décidé de laisser tomber les pagaies pour de bon, de remonter sur les selles et de pédaler une fois de plus. Nous choisissons un endroit équidistant de notre lieu de résidence, entre Barcelone et Bordeaux : les Pyrénées Catalanes, là où j’ai commencé 10 ans plus tôt. Le cyclisme s’annonce plus exigeant que jamais, mais l’équipement a une fois de plus été amélioré. Je roule sur un Big Bro de Brother Cycles, monté sur mesure, et j’ai même un réchaud Jet-Boil avec un adaptateur cafetière à piston pour m’assurer un bon café le matin ! Vous parlez de luxe. Ferais-je maintenant du glamping à vélo ?


En partant de Saint Cyprien, je vois les montagnes se profiler à l’horizon, loin, bleues et mystérieux bien au-delà des champs de coquelicots. J’espère que nous n’aurons pas trop de problèmes. Après près de 30 km plat, le reste du chemin est presque entièrement en montée. Je m’engage sur une petite route qui traverse la frontière juste après Las Illas. Je vois un accident : une voiture percute une camionnette de déménagement dans virage raide. Je continue alors qu’un petit embouteillage commence à se former. J’imagine qu’aucune des personnes impliquées ne s’attendait à cela lorsqu’elles ont pris la route ce matin ! La route se transforme en piste de gravier près du sommet et, au lieu d’un poste de contrôle frontalier, des rochers sont disposés sur le chemin. Aucune voiture ne peut traverser, mais un vélo peut le faire facilement. Avec le Covid-19 qui rend les voyages internationaux difficiles, j’avais choisi ce col en particulier, devinant une absence de contrôles. J’arrive au camping de Maçanet de Cabrenys juste avant que la pluie ne commence.
Tyze, qui doit me rejoindre une heure après, est visiblement en train de se tremper. Il a emprunté un gravel bike en carbone à un ami et roule » ultra léger « . (Il me semble me souvenir qu’au cours d’un des voyages précédents, l’un d’entre nous n’avait pas pris de brosse à dents et avait demandé à l’autre de lui emprunter la sienne. Réponse « pas question »). Il roule ultra-léger mais il a au moins une brosse à dents cette fois-ci.
Quand il arrive, il est trempé jusqu’aux os. On ne peut jamais prévoir le temps qu’il fera à l’avance, mais quelques canettes de bière fraîche et une douche chaude l’attendaient au camping. Cette fois-ci, nous avons organisé ce voyage un peu différemment. Après avoir changé nos plans à la dernière minute. A cause des contraintes de temps et de lieu, nous prévoyons de rester à ce camping comme camp de base, de décharger la majorité de nos bagages et de faire des boucles autour sur des pistes de VTT à proximité. J’ai planifié plusieurs choix d’itinéraires sur Komoot (une application de planification cartographique).

Nous partons tôt le lendemain matin après un très bon café de la cafetière à piston, nos téléphones solidement attachés au guidon (avec des Quad Locks). Le soleil espagnol commence à briller et les pentes deviennent de plus en plus raides. Les muscles de nos jambes et nos épaules nous brûlent mais nous montons un sommet qu’aucune voiture ne pourra jamais espérer atteindre. La descente est vraiment technique : des lacets rocheux et raides. Les vues et les panoramas sont cependant magnifiques tout au long du trajet et nous n’avons qu’un seul petit problème mécanique, que je peux facilement réparer au camp de base. Dans la cabane de réparation des vélos du camping, je vois une carte des pistes de VTT des environs et je me rends compte que le chemin que nous suivions était une piste noire ! Le temps reste imprévisible mais nous avons tous les deux de bons vêtements imperméables. Nous profitons des sentiers forestiers à flanc de montagne et ne voyons personne pendant des heures. Finalement, Tyze part prendre un train pour Barcelone et je reste une nuit de plus.




Sur le chemin du retour, je suis une fois de plus entièrement chargé de mon matériel. La montée vers La Vajol est incroyablement difficile par endroits, même sur la route. Après La Vajol, je fais à nouveau du VTT. Le chemin est beaucoup plus difficile que la route ne l’aurait été, mais j’en suis ravi. Des fleurs jaunes sont fleuries de chaque côté et la pente raide ne fait qu’ajouter à la solitude. Lorsque le chemin bifurque, je vois une voie qui reste en Espagne et l’autre qui rentre en France dans environ 200m. Le passage de la frontière se résume à une barrière pour arrêter les chèvres et à un panneau commémorant l’utilisation de ce col dans une Histoire pas si ancienne (par les dirigeants des gouvernements catalan et basque pendant la guerre civile espagnole). Je rejoins Las Illas, et partir de là je pensais que tout serait en descente mais je me trompais, et alors que je me dirige vers Céret, je ne cesse de monter en altitude. Les flancs de la montagne ne sont rien d’autre que des arbres et pourtant, aucune voiture ne me dérange sur cette petite route de gravier.
Je tente une descente mais le chemin est bloqué et je suis obligé de continuer à monter. J’ai mes bonbons d’urgence avec moi mais je veux arriver dans une ville avant que les restaurants ne ferment pour le service de midi. 13h passent et je suis toujours en train de monter. Dans la chaleur. Plus d’eau. Le sommet final est le Col de la Brousse où règne un silence absolu et où tout est calme. Je commence ma descente vers la civilisation aux toits rouges, des centaines de mètres plus bas. Cependant, après 500 m, je ralentis mon vélo pour rouler tranquillement car devant moi, je vois ce que je crois être un gros chien portant un bout de bois ou un gros os. Lorsqu’il m’entend, il laisse tomber sa prise et s’enfonce dans la forêt en descendant la pente sur la droite. En m’approchant de l’objet qu’il avait laissé tomber, je réalise peu à peu que ce chien était en fait un loup ! Il me faut un certain temps pour le réaliser, car nous sommes tellement habitués à voir des chiens, mais je n’avais pas vu de maison ni de voiture depuis longtemps et la choses qu’il avait laissé tomber n’était ni une branche ni un os, mais un bébé cerf ! Je regarde le faon mourant dans les yeux, la prise de conscience m’envahit et bien que je ressente de la pitié, je n’hésite pas longtemps. Je prends une photo rapide, comme tout bon touriste, mais je pars avant que l’empathie ne prenne le dessus, car je sais à quel point les canidés peuvent être agressifs quand on touche à leur nourriture.


Je descends rapidement cette montagne, avec de l’adrénaline dans les veines et des vues fantastiques sous les yeux. Le mistral se lève rapidement après le déjeuner jusqu’à ce que je ne puisse presque plus voir à cause de la poussière dans la vallée du Boulou. Dans ma tête, je commence à remettre en question ce dont j’ai été témoin, mais l’image est gravée dans ma mémoire comme un conte de fées. Ces yeux profonds et enfoncés, les épaules puissantes, les poils en bataille et la queue touffue. L’image était indiscutable, mais le moment aurait pu être tout different. Je me suis arrêté pendant peut-être trente secondes, mais si j’avais attendu plus longtemps, qui sait comment cette histoire aurait pu se terminer ? Lorsque je me suis douché ce soir-là, je me suis estimé heureux d’être en vie.
Aussi bien préparé que vous soyez, la nature peut toujours vous envoyer une chose que vous ne saurez pas gérer, sauf en comptant sur votre instinct, sur vos nerfs et sur tous les outils que vous avez à disposition, et de continuer à pédaler.
– Préparation 5 / 5
– Fun 5 / 5
– Fun a posteriori 4 / 5
